Ville St-Laurent
La naissance du village, 1702 à 1890
Parmi les villages dont la naissance remonte à la Nouvelle-France, Saint-Laurent est le seul, sur l’île de Montréal, à s’être développé à l’intérieur des terres. Son emplacement unique, à la croisée des chemins, est stratégique pour les communications et la défense. Le premier noyau villageois date vraisemblablement de 1702, année suivant la signature de la Grande Paix avec les Iroquois. Les Sulpiciens accordent des terres à des colons pour la mise en valeur du territoire. C’est ainsi que se forme la côte Saint-Laurent. Partie prenante d’un ensemble de côtes situées entre le mont Royal et la rivière des Prairies, la côte Saint-Laurent, qui deviendra plus tard le boulevard Sainte-Croix.
En 1722, une ordonnance fixe les limites de la paroisse de Saint-Laurent, qui englobe les côtes St-Michel, Notre-Dame-de-Liesse, Notre-Dame-des-Vertus et, bien sûr, la côte St-Laurent. Le développement des terres agricoles progresse régulièrement, structuré par les grands axes de communication. Ainsi le chemin de la Côte-Vertu prend de l’importance, car c’est le long de cette côte que sont délimitées les concessions. C’est finalement au croisement de ce chemin et de la montée St-Laurent que se développera le village éponyme.
Le village s’est formé autour d’une chapelle, premier lieu de culte. Sa localisation originelle est différente de l’emplacement actuel de St-Laurent. Le village prend naissance à l’endroit où se trouve maintenant le centre commercial Rockland.
Bien que la jeune communauté ne compte, en ce début de siècle, que quatre-vingt-trois familles tenant feu, l’étendue de la paroisse est telle qu’il est difficile pour plusieurs de se rendre à l’unique chapelle. Après plusieurs années de débat, on décide en 1728 d’édifier la nouvelle église dans un endroit plus central.
La montée St-Laurent apparaît comme le meilleur emplacement. La construction de l’église donnera une première impulsion à la formation du noyau villageois.
À partir de 1731, St-Laurent va croître lentement, d’une manière progressive, autour d’activités essentiellement rurales au début, sur l’emplacement qu’on lui connaît aujourd’hui. Les premières fermes sont bâties rapidement sur les terres concédées, tout le long du chemin de la Côte-Vertu. Sur la rue principale, la montée St-Laurent, là où se trouve l’église, on voit apparaître petit à petit un relais et quelques services de base.
En revanche, la dynamique à plus long terme du village dépend davantage de ses relations avec le reste du territoire. La montée St-Laurent est en effet un axe de communication majeur entre le bourg de Ville-Marie et les régions de la rive nord et des Laurentides. C’est ainsi que les premières activités commerciales apparaissent dès le XVIIIe siècle sur ce lieu de passage, amenant entre autres l’ouverture d’auberges et de plusieurs ateliers de maréchaux-ferrants.
À partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, le village de St-Laurent aura le vent dans les voiles. Deux événements majeurs viendront accentuer les effets positifs d’une localisation géographique avantageuse : l’arrivée du Collège et celle du chemin de fer.
En 1847, les Pères de Ste-Croix s’installent à St-Laurent et y fondent, dès 1852, le premier établissement d’enseignement. Le Collège jettera les bases du rayonnement futur du petit village. En effet, le Collège de St-Laurent deviendra rapidement une institution d’enseignement réputée. Cette renommée se répercutera sur le village.
La venue d’un grand nombre d’étudiants favorisera une effervescence et lui donnera une vitalité nouvelle.
L’arrivée du Collège viendra aussi renforcer le dynamisme économique de St-Laurent. La population nouvelle qu’il attire accroît significativement l’achalandage déjà important de la montée St-Laurent, étape obligée pour les voyageurs en transit. L’animation générée par le Collège n’est sans doute pas étrangère au développement florissant du commerce; hormis plusieurs boutiques et ateliers d’artisans, on compte à cette époque pas moins de trois hôtels sur ce petit bout de rue.
En 1885, la mise en place du chemin de fer, dont le tracé est localisé au sud du Collège, ouvre la porte au développement des activités industrielles à St-Laurent. Elle lève l’obstacle que constituait l’éloignement relatif de St-Laurent, au centre de l’île de Montréal.
Le village, qui jusque-là concentrait l’essentiel de ses activités économiques dans le commerce de biens et de services, connaît dès lors un développement qui en fera un centre industriel important. La position du chemin de fer orientera la croissance urbaine vers le nord et l’ouest.
La position privilégiée de St-Laurent favorise des échanges commerciaux avec Montréal et avec les autres villages de l’île, mais le développement du village se fait de manière relativement indépendante. Son autosuffisance explique qu’il conservera longtemps son caractère rural. De même, sa situation géographique l’aura préservé des troubles politiques et d’un exode massif de la population lors de l’invation britannique. Le village se consolidera, pour devenir bientôt une municipalité rayonnante.
Photos : Archives de la ville de Saint-Laurent.
Photo 1 : rue de l’Église, devant le 1575 de l’Église
Photo 2 : Avenue St-Mathieu, aujourd’hui boulevard Côte-Vertu, environ 1900
Photo 3 : Épicerie Joseph Beaudry, au 189 rue Principale, aujourd’hui 883 avenue Ste-Croix, environ 1890.
Photo 4 : Collège de Saint-Laurent, environ 1882
Source: Saint-Laurent, du village à la ville par Johanne Brochu et Béatrice Sokolofe