Quand Sorel s’écrivait Saurel
La région de Sorel-Tracy, située stratégiquement au confluent de Saint-Laurent et de la rivière Richelieu, a écrit l’une des grandes pages de l’histoire du développement économique du Québec.
Tout commence vraiment en 1665, alors que le roi Louis XIV envoie le régiment de Carignan-Salières, dirigé par Alexandre de Prouville, marquis de Tracy, afin de contrecarrer la menace des Iroquois.
Tracy fit construire deux forts sur le territoire : Chambly et Sainte-Thérèse. Il chargea également le capitaine Pierre de Saurel de reconstruire le fort Richelieu, érigé en 1642, mais rapidement abandonné faute d’appuis. Les deux hommes marqueront l’histoire de la région à tel point qu’ils lui légueront leur nom de famille.
Pierre de Saurel a été à l’origine de la vocation navale de ce qui allait devenir Sorel : en 1671, il passe un contrat pour fournir par voie fluviale du bois de chêne et de pin au chantier du roi à Québec, révèle un document de la Société historique Pierre-de-Saurel.
En 1724, la seigneurie de Saurel compte environ 800 habitants. Parce que les terres sont pauvres, plusieurs Saurelois se livrent à la traite des fourrures ouu se tournent vers l’exploitation des richesses naturelles de la région : le bois et l’eau. Au 18e siècle, la construction navale devient le principal moteur de l’économie.
Les bouleversements de la Conquête.
Peuplée d’environ 1,000 habitants en 1760, la seigneurie de Saurel change de propriétaire lors de la Conquête alors que John Bloomfield, un Anglais d’origine, en prend possession.
Elle perd alors sa graphie Saurel pour celle de Sorel. « L’orthographe s’est modifiée progressivement. À l’époque, beaucoup de gens écrivaient au son » explique Catherine Objois, directrice de la Société historique Pierre-de-Saurel. C’est à la fin du 18e siècle que graphie Saurel disparaît de documents officiels.
Boom industriel.
Au 18e siècle, l’économie de Sorel est dominée par les chantiers maritimes et les produits forestiers, qui constituent les principaux liens d’exportation. La construction navale se multiplie sur les deux rives du Richelieu et le bord du Saint-Laurent. Elle favorise le développement d’industries connexes : fonderie, fabrication de machines à vapeur, construction de quais, etc.
L’économie se diversifie avec l’implantation de scieries, de manufactures de vêtements et de chaussures et de tanneries.
La population s’accroît rapidement. En 1875-1876, deux paroisses sont crées, soit Sainte-Anne-de-Sorel et Saint-Joseph-de-Sorel, qui deviendra la ville de Tracy en 1954.
Les années prospères.
La Première Guerre mondiale fait rouler l’économie de Sorel. Plusieurs navires de guerre seront construits dans ses chantiers navals. En 1917, Joseph Simard, originaire de Baie-Saint-Paul, acquiert avec deux associés les chantiers Manseau. C’est le début de la formidable saga des Simard, qui bâtiront un empire industriel dans la région soreloise.
Les effets de la grande dépression se font peu sentir à Sorel, qui connaît un développement économique important au début du 20e siècle. En 1929, la North American Elevators Ltd, construit deux élévateurs de grain dans le port, qui devient alors un leu de transbordement pour le blé de l’Ouest canadien destiné aux marchés européens.
De nombreuses entreprises s’implantent à Sorel dont Richelieu Knitting Company, Sorel Mechanical Shops. Ludger Simard, frère de Joseph, dirige la Sorel Steel Fundries acquise en 1932 par Consolidated Marine Compagnies.
En 1937, c’est l’apogée de la construction navale quand Joseph Simard fusionne plusieurs chantiers pour former Marine Industries.
La Seconde Guerre mondiale amène un autre boom économique. Les usines de Marine Industries et Sorel Industries emploieront jusqu’à 10,000 personnes pour répondre aux commandes de navires et de canons. Entre 1941 et 1951, la population doublera.
La guerre finie, Marine Industries réduit son effectif de 8,200 à 150 employés en un jour. Ses anciennes installation ont été acquises en 2001 par la Corporation de développement des parcs industriels et du port de Sorel-Tracy au coût de 7M$, pour créer le parc Ludger-Simard.
Par la suite, plusieurs entreprises (QIT-Fer et titane- aujourd’hui le moteur de l’économie régionale- Tioxide, Aciers Atlas) s’y établissent. La ville mère fournit les services et abrite le port tandis que Tracy et Saint-Joseph-de-Sorel conservent une vocation industrielle.
Le 15 mars 2000, Sorel et Tracy fusionnent alors que les municipalités de Saint-Joseph-de-Sorel et de Sainte-Anne-de-Sorel choisissent de maintenir leur statut.
Source : Journal Les Affaires, 20 septembre 2003